Article du journal Lutte Ouvrière .
Le 13 Janvier 2016
Deux ans après les faits, le tribunal correctionnel d’Amiens a
condamné huit ex-salariés de l’entreprise Goodyear de la ville à 24 mois
de prison dont neuf fermes. Ils étaient jugés pour avoir retenu dans
l’usine le directeur de la production, ainsi que le DRH de l’usine,
pendant trente heures, les 6 et 7 janvier 2014. Le 6, les deux hauts
cadres avaient organisé une réunion et annoncé le démantèlement à court
terme de l’usine de pneumatiques, et la perte de leur gagne pain pour
les 1 143 salariés de l’entreprise – et donc pour de nombreux autres
dépendant des entreprises sous-traitantes.
Aujourd’hui la
majorité des ouvriers n’a pas retrouvé de travail. Mais cette violence
là n’est pas condamnable pour le gouvernement et la justice.
Avoir
retenu dans les locaux de l’usine une nuit ceux qui venaient leur
annoncer avec cynisme, après leur avoir fait miroiter pendant des années
des solutions, qu’ils étaient jetés à la rue, c’est cela qui serait
criminel. «
Ceux qui sont responsables de la perte de milliers d’emplois ne sont pas jugés », dénoncent les ouvriers condamnés.
Qui plus est, les deux cadres avaient immédiatement renoncé à des
poursuites et les patrons de Goodyear eux-mêmes avaient retiré leur
plainte en application de l’accord de fin de conflit signé avec les
syndicats. C’est le ministère public – et derrière lui le gouvernement –
qui a décidé de maintenir les poursuites et de réclamer de lourdes
peines. Le procureur d’Amiens avait argumenté, prétendant ne pas «
tolérer, dans un État de droit, même dans un tel contexte social
difficile », que les salariés se rendent « justice eux-mêmes ».
Il y a deux ans, lors des faits, le responsable de la CGT Mickael
Wamen dénonçait « l’ensemble des pouvoirs de l’État à la disposition de
Goodyear ». Les CRS sont durement intervenus lors des manifestations
tandis que ses politiciens ont fait de fausses promesses destinées à
lanterner les travailleurs.
Arnaud Montebourg qui, après avoir promis
sur le parking de l’usine avant les élections présidentielles, «
l’interdiction des licenciements boursiers », exhortait, une fois
ministre, les ouvriers en lutte et la CGT à « mettre de l’eau dans son
vin ». Les politiciens socialistes locaux, journalistes, autres
syndicalistes ont pendant des années dénoncé la section locale de la
CGT, en lui faisant endosser la responsabilité des licenciements, due
selon eux à son intransigeance.
En réalité, ce sont les années
de mobilisation des 1 143 salariés que l’État entend lourdement
sanctionner dans ce procès, une mobilisation de la presque totalité des
salariés qui fut opiniâtre et vigoureuse.
Depuis 2007, la direction a
cherché en vain à imposer une réorganisation du travail et des plans de
licenciements. Une succession de coups de colère, de grèves ponctuelles
mais quasi totales avaient à chaque fois incité la direction à de
prudentes retraites. Puis après l’annonce de la fermeture les actions
des ouvriers s’étaient multipliées. Leur volonté de ne pas baisser la
tête face aux licenciements a marqué les esprits dans la région et
au-delà. C’est cela que les patrons par l’intermédiaire de l’État
veulent faire payer aux ouvriers de Goodyear.
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