Inauguration de la statue de Jaurès à Alfortville.
Il est de bon ton chez les politiciens de gauche comme chez
ceux de droite d’honorer la mémoire de Jaurès, voire de se revendiquer de lui.
Mais c’est pour mieux trahir sa mémoire. Jaurès n’avait rien à voir avec le
parti socialiste d’aujourd’hui qui pour servir les capitalistes s’attaque aux
travailleurs.
Jean Jaurès était, lui, un militant socialiste, à l’époque
où ce mot avait le sens de vouloir construire une autre société, débarrassée du
capitalisme et de l’exploitation.
C’était un militant dévoué tout entier au mouvement
ouvrier dont il était devenu un des dirigeants les plus populaires, car il
était convaincu que seule la classe ouvrière a le pouvoir de changer le monde.
Né en 1859 dans le Tarn, il a été assassiné en 1914 par un nationaliste, parce
qu’il incarnait l’opposition du mouvement ouvrier à la guerre.
Alors qui était Jean
Jaurès ?
Après des études brillantes, il fut d’abord un intellectuel
défenseur des valeurs républicaines. Ainsi il fut député républicain à 26 ans.
C’est la grève des mineurs de Carmaux, en 1892, qui lui fit
découvrir la classe ouvrière, et le mouvement ouvrier. Il se lança dans la bataille
aux côtés des mineurs.
Et de républicains, il devint député socialiste, par
conviction que la classe ouvrière était la seule force sociale capable de
changer la société en instaurant la propriété collective des moyens de
production.
A partir de ce moment il consacra toute sa vie, ses forces,
son talent, à aider le prolétariat à devenir une force organisée et consciente
à même de renverser le capitalisme. Il voulait changer le monde.
Il se sentait profondément lié aux problèmes de toute
l’humanité. C’est cet humanisme qui le fit se jeter en 1898 dans la bataille
pour défendre Dreyfus, cet officier français accusé de trahison parce qu’il
était Juif.
Convaincu que c'est la classe ouvrière qui pouvait réaliser
une société plus humaine, en la débarrassant de l’exploitation et des
injustices, il se lança entièrement dans le combat pour le socialisme, même si
ce fut en restant davantage marqué par les idéaux de la révolution française
que par les idées de Marx.
A cette époque entre 1890 et 1914, le mouvement ouvrier
était en pleine expansion. Il y avait des grèves, les travailleurs se battaient
pour améliorer des conditions de travail et de vie qui étaient très dures.
Les
partis ouvriers socialistes comme celui de Jaurès, c’était des partis dont les
militants étaient de tous les combats des travailleurs, y compris face à la
répression.
Jaurès fonda le journal l’Humanité, puis devint en 1905 le
principal dirigeant de la Section Française de l’Internationale Ouvrière
(SFIO).
Car les socialistes à
l’époque étaient internationalistes. L’Internationale Ouvrière regroupait
les partis socialistes d’Europe, et Jaurès y côtoyait Lénine, Trotsky, Rosa
Luxembourg et bien d’autres dirigeants. C’était encore les débuts du mouvement
socialiste, marqués par le débat entre révolutionnaires et réformistes. Jaurès
appartenait à l’aile réformiste. Ainsi quand un socialiste, Millerand, devint
ministre dans le gouvernement français au service de la bourgeoisie, cela fut
condamné par l’Internationale Ouvrière. Mais Jaurès le défendit car il pensait
que cela pouvait peser sur le gouvernement, tout comme il essayait de
convaincre par la force de ses arguments les ministres et autres députés. Les
faits ont démenti ses illusions.
Certes Jaurès était un réformiste, mais il
n’avait rien à voir avec les domestiques conscients de la bourgeoisie que sont
les dirigeants socialistes d’aujourd’hui.
Le dernier grand combat de Jaurès a été celui contre la 1
ère
guerre mondiale qui se profilait.
Contre
la guerre, il prônait la grève générale. C’est pour cela, et parce qu’il
représentait les capacités de résistance du mouvement ouvrier, qu’il fut
assassiné le soir du 31 juillet 1914. Quelques jours après le parti socialiste
se rallia à l’Union Sacrée pour la guerre.
Comme l’écrivit Trotsky
« un
morceau de plomb a soustrait Jaurès à la plus grande des épreuve
politique ». Et il rajoutait
« Quelle position eut-il occupé ?
Indubitablement, la position patriotique. Mais il ne se serait jamais résigné à
l’abaissement qu’a subi le parti socialiste français (…). Et nous avons
entièrement le droit de croire qu’au moment de la révolution future, le grand
tribun eut déterminé, choisi sans erreur sa place et lutté jusqu’au
bout ».