jeudi 4 décembre 2014

Quand les politiciens s'approprient Jaurès



Inauguration de la statue de Jaurès à Alfortville.


   Il est de bon ton chez les politiciens de gauche comme chez ceux de droite d’honorer la mémoire de Jaurès, voire de se revendiquer de lui. Mais c’est pour mieux trahir sa mémoire. Jaurès n’avait rien à voir avec le parti socialiste d’aujourd’hui qui pour servir les capitalistes s’attaque aux travailleurs.

    Jean Jaurès était, lui, un militant socialiste, à l’époque où ce mot avait le sens de vouloir construire une autre société, débarrassée du capitalisme et de l’exploitation.
    C’était un militant dévoué tout entier au mouvement ouvrier dont il était devenu un des dirigeants les plus populaires, car il était convaincu que seule la classe ouvrière a le pouvoir de changer le monde.
   Né en 1859 dans le Tarn, il a été assassiné en 1914 par un nationaliste, parce qu’il incarnait l’opposition du mouvement ouvrier à la guerre.

Alors qui était Jean Jaurès ?

   Après des études brillantes, il fut d’abord un intellectuel défenseur des valeurs républicaines. Ainsi il fut député républicain à 26 ans.
   C’est la grève des mineurs de Carmaux, en 1892, qui lui fit découvrir la classe ouvrière, et le mouvement ouvrier. Il se lança dans la bataille aux côtés des mineurs.
    Et de républicains, il devint député socialiste, par conviction que la classe ouvrière était la seule force sociale capable de changer la société en instaurant la propriété collective des moyens de production.

     A partir de ce moment il consacra toute sa vie, ses forces, son talent, à aider le prolétariat à devenir une force organisée et consciente à même de renverser le capitalisme. Il voulait changer le monde.
Il se sentait profondément lié aux problèmes de toute l’humanité. C’est cet humanisme qui le fit se jeter en 1898 dans la bataille pour défendre Dreyfus, cet officier français accusé de trahison parce qu’il était Juif.
   Convaincu que c'est la classe ouvrière qui pouvait réaliser une société plus humaine, en la débarrassant de l’exploitation et des injustices, il se lança entièrement dans le combat pour le socialisme, même si ce fut en restant davantage marqué par les idéaux de la révolution française que par les idées de Marx.
    A cette époque entre 1890 et 1914, le mouvement ouvrier était en pleine expansion. Il y avait des grèves, les travailleurs se battaient pour améliorer des conditions de travail et de vie qui étaient très dures.

  Les partis ouvriers socialistes comme celui de Jaurès, c’était des partis dont les militants étaient de tous les combats des travailleurs, y compris face à la répression.
  Jaurès fonda le journal l’Humanité, puis devint en 1905 le principal dirigeant de la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO).
   Car les socialistes à  l’époque étaient internationalistes. L’Internationale Ouvrière regroupait les partis socialistes d’Europe, et Jaurès y côtoyait Lénine, Trotsky, Rosa Luxembourg et bien d’autres dirigeants. C’était encore les débuts du mouvement socialiste, marqués par le débat entre révolutionnaires et réformistes. Jaurès appartenait à l’aile réformiste. Ainsi quand un socialiste, Millerand, devint ministre dans le gouvernement français au service de la bourgeoisie, cela fut condamné par l’Internationale Ouvrière. Mais Jaurès le défendit car il pensait que cela pouvait peser sur le gouvernement, tout comme il essayait de convaincre par la force de ses arguments les ministres et autres députés. Les faits ont démenti ses illusions.
  Certes Jaurès était un réformiste, mais il n’avait rien à voir avec les domestiques conscients de la bourgeoisie que sont les dirigeants socialistes d’aujourd’hui.

    Le dernier grand combat de Jaurès a été celui contre la 1ère guerre mondiale qui se profilait.  Contre la guerre, il prônait la grève générale. C’est pour cela, et parce qu’il représentait les capacités de résistance du mouvement ouvrier, qu’il fut assassiné le soir du 31 juillet 1914. Quelques jours après le parti socialiste se rallia à l’Union Sacrée pour la guerre.

   Comme l’écrivit Trotsky « un morceau de plomb a soustrait Jaurès à la plus grande des épreuve politique ». Et il rajoutait « Quelle position eut-il occupé ? Indubitablement, la position patriotique. Mais il ne se serait jamais résigné à l’abaissement qu’a subi le parti socialiste français (…). Et nous avons entièrement le droit de croire qu’au moment de la révolution future, le grand tribun eut déterminé, choisi sans erreur sa place et lutté jusqu’au bout ».

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