Editorial
Lutte Ouvrière 08/02/2016
Alors
qu’Alep est bombardée sans relâche depuis plus d’une semaine par l’armée de
Bachar al-Assad et l’aviation russe, des dizaines de milliers de Syriens ont
fui et sont bloqués à la frontière turque dans des conditions effroyables.
Pour se
dédouaner, les Européens exhortent la Turquie à ouvrir sa frontière. Il faut,
bien sûr apporter une aide d’urgence à ces milliers d’hommes, de femmes et
d’enfants à bout de force. Mais les dirigeants européens, qui donnent des
leçons d’humanité à la terre entière, n’ont décidément aucune honte !
Alep après bombardements de 2013. Depuis ça n'a pas cessé ! |
Face à la
Turquie, les dirigeants de l’UE brandissent la Convention de Genève qui oblige
à accueillir les réfugiés, mais, ils refusent de le faire eux-mêmes. Sans
parler de l’Allemagne et la Suède qui ont adopté leur propre politique, les 26
autres pays de l’UE se sont péniblement mis d’accord pour relocaliser, comme
ils disent, 160 000 migrants. A ce jour, ils n’en ont pas accueilli 1000,
quand la Turquie compte 2,5 millions de réfugiés.
L’Union
européenne a sous-traité la gestion des réfugiés à la Turquie et à la Grèce. En
échange d’une aide financière, ces deux pays sont censés renforcer leurs
contrôles aux frontières et faire le tri entre « vrais » et
« faux » réfugiés, étant entendu qu’aux yeux des gouvernants, la
misère et la famine ne font pas partie des persécutions.
Exactement
comme les villes riches payent des amendes plutôt que de construire leur quota
de logements sociaux, l’UE paye la Grèce et la Turquie pour recevoir le moins
de migrants possibles. Et, comme des migrants arrivent encore à passer entre
les mailles du filet, voilà maintenant, qu’elle menace de couper les vivres à
ces deux pays !
C’est une politique abjecte, de bout en bout. Les dirigeants européens sont de ceux qui ont semé le chaos au Moyen-Orient. Pour préserver leurs intérêts dans la région, ils se sont alliés aux pires dictatures, ont armé telle bande contre telle autre, sans jamais se soucier des populations.
Et ils
continuent, aujourd’hui, en rejetant les femmes et les hommes victimes de ces
guerres, de l’oppression et de la misère qui en découle. Pire, ils les traitent
comme des pestiférés. Car il n’y a pas d’autre mot !
Cette
semaine, un politicien belge a demandé aux habitants de Zeebruges de ne pas
nourrir les migrants qui essayent de passer en Angleterre !
En France,
le moindre centre d’asile fait l’objet d’oppositions et de fantasmes. C’est
d’autant plus révoltant que les demandeurs d’asile n’arrivent qu’au
compte-gouttes et que le plus gros « problème » est posé par les
4 000 ou 5 000 migrants du camp de Calais, qui ne rêvent que de
partir !
Tout est
fait pour tuer tout élan de solidarité. Tout est fait pour que l’on ne puisse
pas s’identifier à ces femmes et ces hommes. On nous parle d’afflux massif ou
de submersion, comme si un continent de 500 millions d’habitants ne pouvait pas
venir en aide à deux ou trois millions de personnes. Comme si avec de
l’organisation et un peu de moyens, il n’était pas possible de leur donner
refuge dans des conditions dignes !
En France,
du Front national au gouvernement PS, tous instrumentalisent les peurs et
agitent la nécessité de se méfier des migrants, de sécuriser les frontières, de
multiplier les contrôles. Ils se servent des migrants comme d’un chiffon rouge
pour faire diversion et faire oublier les véritables responsables de la
catastrophe du chômage, des inégalités et du recul de nos conditions de vie.
Pour
conserver le pouvoir, les dirigeants ont intérêt à ce que les travailleurs se
divisent et s’opposent. Ils ont intérêt à ce que les pauvres s’en prennent à
d’autres pauvres. Les migrants sont utilisés comme des boucs émissaires pour
canaliser la colère des classes populaires.
Ce qui
dérangerait les possédants, c’est que les migrants et les travailleurs d’Europe
s’entendent et se reconnaissent comme faisant partie de la même classe des
exploités : des exploités confrontés aux bombes et acculés à la misère et
à l’exode pour les migrants ; des exploités confrontés au chômage et à
l’exploitation ici.
Tous ces
maux ont une source unique, la course au profit et la domination d’une minorité
sur toute la société. Et c’est ensemble que nous pourrons la combattre.
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