Editorial Lutte Ouvrière 24/10/2016   
 Le
 démantèlement de la « jungle » de Calais est présenté par le 
gouvernement comme une « opération humanitaire ». Certes, la vie de ces 
milliers de migrants dans un tel bidonville, dans le froid, la boue, les
 rats, est inhumaine. Et peut-être une partie des réfugiés répartis dans
 différents centres à travers le pays y trouveront-ils un peu du répit 
et de l’espoir qu’ils recherchaient en fuyant leur pays, souvent au 
péril de leur vie. Encore faut-il qu’ils y aillent volontairement. 
Heureusement, malgré l’agitation xénophobe de nombreux politiciens, dans
 de nombreuses communes, des associations et les habitants eux-mêmes 
accueillent les réfugiés avec cette humanité qui fait défaut aux 
notables à la tête des partis de gouvernement.
Car, dans cette affaire, le premier souci du gouvernement n’est pas 
d’aider les migrants, mais de les éloigner de la Manche. Depuis près de 
20 ans, des migrants se pressent vers ce littoral, pour rejoindre 
l’Angleterre où ils ont de la famille ou dont ils parlent la langue. En 
vertu d’un de ces accords sordides dont les grandes puissances ont le 
secret, la France gère la frontière britannique, moyennant finances. 
Elle a disposé des centaines de gendarmes, dressé des dizaines de 
kilomètres de barbelés et elle construit un nouveau mur. Et comme de 
nouvelles « jungles » vont se reformer dans les semaines à venir, police
 et gendarmerie se préparent à les démanteler immédiatement. On a connu 
opération plus « humanitaire » !
L’existence même de la « jungle » résulte de la politique du 
gouvernement, qui n’a pas voulu accueillir ces migrants dignement. Quand
 Grande-Synthe, près de Dunkerque, s’est retrouvée avec un bidonville, 
le maire a construit un camp d’accueil digne de ce nom, avec l’aide de 
Médecins sans frontières ; le gouvernement, opposé au projet, n’a pas 
versé un centime. Cela souligne l’hypocrisie qui consiste à baptiser 
« humanitaire » l’éloignement forcé de migrants par la police.
L’attitude de la droite et du FN, qui s’opposent à l’arrivée des 
migrants dans les communes ou dans les régions qu’ils dirigent, est 
encore pire, s’il est possible. En concurrence électorale, ils 
multiplient les promesses démagogiques, contre le regroupement familial 
ou l’aide médicale aux sans-papiers, pour une politique toujours plus 
dure envers les étrangers.
Ces gens-là voudraient-ils qu’on rejette à la mer les réfugiés qui 
franchissent la Méditerranée ? Qu’on renvoie les Soudanais ou les 
Érythréens sous la férule de leur dictateur, les Syriens ou les Irakiens
 sous les bombes ? Qu’on érige un mur autour de l’Hexagone ou de 
l’espace Schengen ?
Gauche et droite expliquent que la France ne peut plus accueillir de 
migrants. 1,3 million d’entre eux auraient gagné l’Europe en 2015. Mais 
l’Union européenne compte 510 millions d’habitants ! Et il est mensonger
 de dire que la France, un des pays les plus riches au monde, ne peut 
accueillir quelques dizaines de milliers de réfugiés. Par le passé, du 
million de pieds-noirs après la guerre d’Algérie aux 120 000 boat-people
 vietnamiens et cambodgiens en 1979, des arrivées massives n’ont pas 
posé de problème réel.
Les politiciens expliquent qu’il n’y a pas assez d’emplois ou de 
logements pour accueillir les réfugiés. Ils voudraient opposer les 
pauvres d’ici aux pauvres d’ailleurs. Mais c’est une fausse opposition, 
visant à masquer la division de la société entre les travailleurs et les
 capitalistes. Les migrants sont-ils responsables des six millions de 
chômeurs ? Non, bien sûr. Et la droite prévoit-elle de créer des emplois
 ? Non, elle promet d’en supprimer, en taillant à la hache dans les 
services publics ! Si elle revient au pouvoir, la vie des immigrés sera 
peut-être plus dure, mais ce sont en fait tous les travailleurs qui 
seront attaqués !
Sarkozy explique sans craindre le ridicule que nos ancêtres sont les 
Gaulois. Mais la réalité est que la classe ouvrière française s’est 
construite avec des immigrés italiens et polonais, espagnols et 
portugais, maghrébins et africains, au fil des générations. Et les 
migrants de Calais seront demain des travailleurs d’Europe.
Bien sûr, à toutes les époques, des démagogues ont opposé les 
travailleurs français aux étrangers, pour le plus grand bonheur des 
bourgeois, qui savent « diviser pour mieux régner ». Quand on cible les 
plus démunis, on épargne les plus riches. Mais le mouvement ouvrier 
socialiste puis communiste a su, à chaque étape, accueillir, intégrer 
dans ses rangs les nouveaux-venus, et en faire des alliés, des camarades
 de combat. À nous d’en faire autant aujourd'hui.






