Article du journal Lutte Ouvrière
Le projet
contenu dans les ordonnances constitue une remise en cause de ce que les
travailleurs avaient pu imposer à leurs exploiteurs par leurs luttes depuis
plus d’un siècle.
La fin du
contrat de travail concerne l’ensemble des salariés du pays. En effet, dans les
établissements de moins de 50 salariés, regroupant la moitié des salariés du
pays, le patron pourra prendre l’initiative de modifier uniquement le contrat
de travail : il lui suffira d’un vote des salariés organisé à son initiative.
La mise en pièce du contrat de travail
Le contrat
de travail signé par l’employeur et le salarié lors de son embauche,
définissait jusque-là le salaire et les conditions d’emploi, dans tous les
domaines. Pour tout ce qui n’était pas écrit, on s’en rapportait à la loi ou à
la convention collective. Les combats de la classe ouvrière ont permis
d’obtenir plus de droits pour les salariés et des garanties écrites dans le
contrat de travail ou dans la loi.
Avec les
ordonnances, ce contrat de travail devient un chiffon de papier que la partie
patronale peut modifier unilatéralement. Cela veut dire s’attaquer au salaire,
aggraver les horaires et les conditions de travail du jour au lendemain. Pire,
les ordonnances prévoient que le refus du salarié d’accepter les modifications
de son contrat de travail entraîne de droit son licenciement.
Jusque-là,
un patron qui licenciait pour un tel motif pouvait être condamné pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse et être obligé de verser au minimum
six mois de salaire au salarié, et souvent plus. Maintenant, il ne pourra plus
être condamné, il devra simplement payer au salarié ses primes de licenciement
et quelques heures de formation.
Certes, dans
les entreprises de plus de 50 salariés, il faudra des signatures de syndicats
majoritaires ou un référendum. Mais on voit comment, en usant de chantage et en
s’appuyant sur la soumission de certains syndicats, des reculs sont déjà
imposés aujourd’hui. Désormais, les salariés des grandes entreprises seront
tout autant sous la menace que les autres.
Les licenciements toujours plus faciles
Cela va
d’abord toucher la masse des licenciements individuels. Pour rappel, il y a
environ un million de licenciements par an ; les licenciements collectifs
représentent moins de 10 % du total. À cela s’ajoutent plus de 400 000 ruptures
conventionnelles individuelles.
Les
ordonnances réforment radicalement les motifs et les procédures de
licenciement. Pour avoir le droit de licencier, le patron était censé respecter
des procédures et les motifs de licenciement devaient être évoqués au cours
d’un entretien et écrits dans la lettre de licenciement. Tout cela passe aux
oubliettes et le patron pourra désormais invoquer de nouveaux motifs au fur et
à mesure de la procédure.
Alors que le
non-respect de toutes les règles entraînait la nullité du licenciement, les
ordonnances prévoient que cela coûtera au patron, dans le pire des cas, un mois
de salaire du travailleur licencié.
En dehors
des motifs de licenciement économique, Macron a tenu à rajouter toute une série
d’articles sur la possibilité de substituer aux plans sociaux des ruptures
conventionnelles collectives. Il prévoit également l’élargissement du recours
aux contrats de chantier. Ces possibilités existaient déjà, mais le
gouvernement a tenu à les élargir et à les institutionnaliser, pour bien
montrer au patronat qu’il peut faire ce qu’il veut.
Précarité généralisée
Il apparaît
au final que les contrats temporaires de toute nature pourront être étendus,
au-delà des 18 mois maximum actuels, jusqu’à 24 mois. Le temps de carence entre
deux contrats pourra être raccourci, voire supprimé. La requalification du
contrat de travail en CDI sera encore plus difficile, voire impossible. C’est
donc la porte ouverte à une précarisation générale et continue de millions de salariés.
La liste des
remises en cause des droits des salariés n’est pas exhaustive. Sur les 159
pages des cinq ordonnances, qui devraient entrer en application dès la fin
septembre, il y a bien d’autres reculs. Tout ce qui concerne les droits des
travailleurs à choisir leur représentant sera défini pour l’essentiel dans des
décrets. Il s’agit là de faire plaisir aux plus bornés des patrons, qui ne
supportent pas de présence syndicale dans leur entreprise.
Cette
attaque en règle montre à quel point il est urgent de faire entendre le rejet
large et profond de l’ensemble de la classe ouvrière.
Paul SOREL