Editorial
Lutte Ouvrière
Ce lundi, à
Calais, Hollande s’est engagé à démanteler la « jungle ». Venu après
Sarkozy, il était en campagne électorale et a joué la fermeté… contre les
migrants. La façon dont les réfugiés sont parqués, sans même un centre
d’accueil digne de ce nom, est honteuse. Après avoir souvent traversé la
Méditerranée au péril de leur vie, ils la risquent pour franchir un tunnel.
Pour les en empêcher, on a dressé des barbelés, on a inondé des terrains et on
construit un mur. Et maintenant, le gouvernement veut les chasser. Mais aucun
barbelé, aucun dispositif n’arrêtera ceux qui fuient la guerre, la dictature ou
la faim : ils n’ont pas le choix. Si la « jungle » est détruite,
elle se reconstituera à Calais ou ailleurs.
Les autres
politiciens ne sont pas en reste. La semaine dernière, alors que le
gouvernement annonçait qu’il allait « relocaliser » les 10 000
migrants de Calais, le Front national a lancé sa pétition « Ma commune
sans migrants ». Plusieurs ténors de la droite, comme Estrosi, élu
président de région avec les voix du PS et du PCF, en font autant, sur le
ton « ma région sans migrants ». Avec une pétition contre
« la création de "jungles" sur l’ensemble du territoire »,
Wauquiez a pris la tête de la croisade. Il refuse les 1784 migrants que l’État
veut placer dans sa région d’Auvergne-Rhône-Alpes, forte de 7,7 millions
d’habitants !
Sarkozy
y est allé de son couplet ridicule sur « nos ancêtres les Gaulois ».
Prêts à tout pour concurrencer le Front national, ces politiciens encouragent
les plus racistes, disposés à s’en prendre physiquement aux étrangers.
La démagogie
anti-immigrés ne concerne pas que Calais. « La France ne peut pas
accueillir toute la misère du monde », répètent les politiciens de gauche
et de droite. Mais de quoi parlent-ils ?
L’Union européenne a vu arriver
en 2015 un million de réfugiés, pour 510 millions d’habitants. Avec 65
millions d’habitants, la France en a accueilli 100 000. Et ce serait un problème ?
Avec 4 millions d’habitants, le Liban accueille un million de Syriens.
Et puis, que
proposent ceux qui refusent les réfugiés syriens, afghans ou irakiens ? De
les rejeter à la mer ? De les renvoyer dans leur enfer, sous les bombes à
Alep, sous la dictature de Bachar al Assad ou de l’État islamique ?
La France
est responsable de bien des exodes. L’Afrique a été pillée par la colonisation.
L’Afghanistan, la Syrie et l’Irak sont ravagés par des conflits causés par les
convoitises des grandes puissances. Quelle hypocrisie de déplorer les guerres,
tout en se pavanant quand on vend des Rafale et des canons !
Le Pen,
Valls ou Sarkozy spéculent sur la peur des étrangers, qui seraient en
concurrence avec les travailleurs d’ici pour les emplois ou les logements. Mais
le chômage de six millions de personnes et la précarité n’ont pas attendu les
migrants et n’ont rien à voir avec eux !
Les réfugiés
ne sont pas responsables de la crise économique ou du déficit de l’État. Quand
le gouvernement impose la loi travail pour servir les patrons, quand Alstom
veut fermer une usine et ruiner des vies pour accroître ses profits, qu’ont
donc à voir les réfugiés ?
Cibler les
migrants, qui sont des pauvres, c’est épargner les riches d’ici, les
capitalistes. Désigner les migrants comme un danger pour les travailleurs
français, c’est vouloir abuser ces derniers. Si nos dirigeants veulent nous
diviser, c’est pour mieux nous opprimer. Car ils mènent la même guerre de
classe contre tous les prolétaires.
La vie qui
attend les Syriens, les Érythréens ou les Soudanais, dans les métropoles
européennes, c’est d’être des prolétaires. Alors les travailleurs doivent les
intégrer fraternellement dans leurs rangs. C’est d’ailleurs l’histoire de la
classe ouvrière, qui s’est construite à travers des migrations. Nos ancêtres
sont italiens ou polonais, venus produire le charbon et l’acier dans
l’entre-deux-guerres. Ils sont maghrébins ou africains, venus pour les
chantiers et les usines dans les années 1960 ou 1970. Des pays entiers, comme
les États-Unis ou le Canada, se sont construits par l’immigration.
Face à ces
brassages, le mouvement ouvrier conscient, à l’époque où il était encore
socialiste puis communiste, a refusé d’opposer les travailleurs les uns aux
autres, sur la base de leur nationalité, de leur religion ou de leur couleur de
peau. Il a toujours intégré les nouveaux arrivants, les plus exploités, aux
bataillons plus anciens de la classe ouvrière, pour le combat commun contre la
classe capitaliste. À nous d’en faire autant aujourd'hui.