Éditorial
des bulletins d’entreprise du 26 juillet 2015
En
multipliant les barrages et les actions choc devant les supermarchés, les
éleveurs ont forcé le gouvernement à intervenir. Ce dernier a débloqué un plan
d’urgence de 600 millions et s’est vu obligé de hausser le ton contre les
industriels et la grande distribution pour qu’ils revalorisent le prix payé aux
éleveurs.
Les
mastodontes de la distribution, de la laiterie et de l’abattage s’exécuteront-ils
? Si oui, pendant combien de temps respecteront-ils leurs engagements ? Tout
dépendra du rapport de force et de la pression que les éleveurs arriveront à
maintenir à travers leur mobilisation.
Mais
démonstration est faite : les seules catégories populaires que l’on écoute sont
celles qui se battent, et la seule façon de contrebalancer la rapacité des
grands groupes capitalistes est la mobilisation collective. Et les travailleurs
ont, de leur côté, bien des raisons de se battre. Pour que la bourgeoisie
s’enrichisse toujours plus, la classe ouvrière est condamnée à plus
d’exploitation, de chômage et de misère. Eh bien, il faut qu’elle sache
elle-aussi s’organiser et lutter pour défendre ses conditions d’existence !
Et face à
Auchan, Carrefour ou Leclerc et aux capitalistes de l’agroalimentaire que sont
les Bigard, Lactalis et autres Danone, leur résistance ne peut qu’attirer la
solidarité des salariés. Mais les intérêts des éleveurs ne sont pas ceux de la
classe ouvrière. Ils représentent une autre catégorie.
Les éleveurs
ont un pied dans le monde du travail et un autre dans celui de la bourgeoisie.
Par bien des aspects, les plus pauvres d’entre eux ont des conditions de vie
proches de celles des ouvriers. Les plus riches, à l’image du président de la
FNSEA, sont à la tête de véritables usines agricoles et appartiennent au grand
patronat. Mais tous, en tant que propriétaires, défendent le marché, la
concurrence et l’ordre capitaliste.
En dénonçant
les marges des vautours de l’agroalimentaire et le diktat qui leur est imposé,
les éleveurs mettent en lumière un aspect révoltant du capitalisme : la
domination des gros sur les petits. Ils montrent que, dans la jungle
capitaliste, ce sont les plus parasites, les financiers et les gros
industriels, qui écrasent ceux qui sont les plus utiles à la production, les
éleveurs, les petits artisans et commerçants.
Mais les
éleveurs ne visent pas à contester cet ordre, ils visent à s’y faire une place
et à conforter leur propriété. Même si, pour nombre d’entre eux, cette
propriété se transforme en endettement à vie et fait planer la menace de la
faillite et de l’expropriation – expropriation dont nombre de petits paysans
ont déjà été victimes. Même si leur libre entreprise les transforme en
quasi-salariés des grands groupes de l’agroalimentaire.
L’ironie de
la situation veut que les agriculteurs, prompts à dénoncer avec les politiciens
de droite, les ouvriers qui ne travaillent que 35 heures, les fonctionnaires
qui coûtent cher, l’État trop dépensier, demandent aujourd’hui une intervention
et une régulation par l’État. Alors qu’ils rejettent les contraintes qui pèsent
sur eux, ils veulent en imposer pour les capitalistes au-dessus d’eux.
Il est aussi
significatif d’entendre les plus gros éleveurs demander, une fois de plus, une
baisse des charges sociales pour être plus « compétitifs » dans la concurrence
internationale et pour pouvoir plus exporter… tout en protestant contre les
importations !
Et certains
osent proposer une augmentation des prix pour le consommateur, comme si la
viande et le lait n’étaient pas déjà assez chers pour les classes populaires !
Alors oui,
nous vivons dans une économie injuste et folle où les capitalistes rentiers
riches à milliards broient l’ensemble des classes travailleuses. La classe
ouvrière et la petite bourgeoisie peuvent se retrouver dans le combat contre le
grand capital et les banques. Mais les seuls qui ont intérêt à détruire cet
ordre social, ce sont les travailleurs salariés. Car ils sont les seuls à
vouloir supprimer la propriété privée des moyens de production, les seuls à
n’être rattachés en rien au monde des possédants.
Le nombre,
l’activité et l’intérêt commun de la classe ouvrière en font la seule force
sociale capable de combattre la domination de la bourgeoisie et de réorganiser
l’économie sur des bases collectives et planifiées. En menant leur propre
combat, les travailleurs se libéreront de l’exploitation et ils libéreront du
même coup toute la société de la domination d’une minorité parasite qui la mène
à la catastrophe.
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