Editorial Lutte Ouvrière 12/12/2016
Alep agonise
sous les bombes. Depuis plusieurs mois, les habitants de cette ville grande
comme Marseille sont pilonnés par l’armée syrienne soutenue par la Russie.
« Les rues sont pleines de gens sous les décombres. Ils meurent parce
qu’on ne peut pas les sortir de là », expliquent les secouristes. Même
les hôpitaux sont pris pour cible, tandis que l’armée reprend rue par rue les
quartiers qui lui échappaient encore.
Les grandes
puissances se renvoient la balle. Le rôle de la Russie est certes
révoltant ; et que penser de politiciens comme Le Pen ou Fillon qui font
l’éloge de Poutine ! Mais Hollande et Obama sont bien mal placés pour
s’indigner et crier aux crimes contre l’humanité. Car les grandes puissances
ont une responsabilité écrasante dans l’évolution qui a conduit à la situation
actuelle.
Il n’y a pas
si longtemps, elles soutenaient la dictature féroce d’Assad, que Sarkozy
avait invité en 2008 pour le défilé du 14 juillet. Puis en 2011, lors des
« printemps arabes », les dirigeants occidentaux l’ont lâché. Ils ont
soutenu des milices, y compris celles d’islamistes aussi barbares que le
régime. Trois ans plus tard, après que cette politique eut permis aux
islamistes de prendre le contrôle d’un vaste territoire, les grandes puissances
ont de nouveau changé d’orientation. Elles critiquent Assad et Poutine, mais
leur laissent faire le sale boulot, tandis qu’elles-mêmes mènent la guerre
contre les islamistes dans d’autres parties de la Syrie et en Irak, comme à
Mossoul, aujourd'hui ravagée par des combats terribles.
En cinq ans,
la guerre en Syrie aurait fait 400 000 morts, 12 millions de réfugiés,
dont 4 millions sont partis à l’étranger. Les dirigeants occidentaux
versent aujourd'hui des larmes de crocodile. Leur sollicitude ne va pas jusqu’à
ouvrir la porte aux Syriens ! Si ceux-ci parviennent à fuir cet enfer
et tentent de se réfugier en Occident, ils se heurtent aux barbelés dressés par
l’Europe-forteresse ou par la Turquie avec l’argent européen. Et c’est souvent
alors la Méditerranée qui devient leur cimetière, comme cela a encore été le
cas la semaine dernière.
La politique
des puissances occidentales n’a jamais été guidée par les intérêts des peuples,
mais toujours par la cupidité. Le Moyen-Orient et son pétrole font depuis
longtemps l’objet de leurs convoitises. Pendant la Première Guerre mondiale,
Français et Britanniques se sont partagé l’Empire ottoman, et la Syrie est
passée sous domination française. Depuis, les pays de la région sont peut-être
indépendants mais les puissances occidentales continuent de les piller, au prix
de guerres terribles. Et aujourd'hui encore, le marchand de canons Dassault ou
le cimentier Lafarge font leur beurre sur la dévastation de la Syrie.
Les dirigeants
français expliquent qu’en combattant là-bas, ils luttent contre le terrorisme.
Quelle hypocrisie ! En réalité, ils l’alimentent, par leur politique
impérialiste. Les attentats en France ont été un contrecoup de la guerre de
l’autre côté de la Méditerranée.
Cette guerre
implique déjà l’Iran, les monarchies du Golfe, les États occidentaux, la Russie
et le régime turc, en guerre contre sa minorité kurde. Et l’histoire du XXe
siècle nous rappelle qu’un conflit en apparence lointain et secondaire peut
déboucher sur une guerre généralisée.
Alors, Alep
est certes loin, mais ce qui se passe là-bas nous concerne, car c’est peut-être
de notre avenir qu’il s’agit. Le capitalisme porte en lui la guerre comme la
nuée porte l’orage, disait Jaurès. Syrie, Irak, Afghanistan, Ukraine, Soudan,
Libye… le monde est aujourd'hui à feu et à sang.
Le
capitalisme, c’est d’abord l’exploitation de la classe ouvrière, les bas
salaires et la menace permanente du chômage. Rien que cela justifie d’y mettre
fin. Mais en outre, ce système dément, qui repose sur la concurrence féroce
entre firmes et entre États, menace en permanence de conduire toute l’humanité
dans la guerre. Les ouvriers français ou allemands d’avant 1914 étaient
durement exploités. Mais ce qui les attendait, l’enfer des tranchées et de
Verdun, était pire encore.
Alors, nous
débarrasser du capitalisme, ôter aux grandes entreprises leur mainmise sur
toute l’économie, est vital. C’est vital pour mettre fin aux inégalités et à
l’exploitation du travail salarié. Mais c’est vital aussi pour mettre fin aux
guerres engendrées par la convoitise des grandes firmes et des grandes
puissances. Sans cela, nous aurons tôt ou tard d’autres Alep et d’autres
Mossoul, non seulement de l’autre côté de la Méditerranée, mais à nos portes et
dans nos villes.
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