Editorial
des bulletins d’entreprise Lutte Ouvrière Lundi 22 juin 2015
À l’heure où nous écrivons, nous ne
savons pas si l’Union Européenne, la BCE et le FMI trouveront un terrain
d’accord avec la Grèce. On ne peut jamais exclure que la partie de poker
menteur tourne mal et il est difficile de faire la part entre le bluff et les
intentions réelles des uns et des autres.
Mais une chose est sûre : ni le
gouvernement grec, ni les dirigeants européens ne souhaitent un défaut de
paiement de la Grèce et sa sortie de l’euro.
Ce ne sont pas ses conséquences sur
la population grecque - l’envolée des prix, les pénuries et la récession qui en
découleraient - qui inquiètent les dirigeants européens. La politique qu’ils
dictent à la Grèce depuis cinq ans le montre assez : ils n’ont que faire
de l’explosion du chômage et de l’effondrement du niveau de vie en Grèce.
Leur problème est l’incertitude que
cela fait peser sur la zone euro. Car personne ne peut jurer que cela ne
débouchera pas sur de nouvelles attaques spéculatives dans la zone euro et sur
la déstabilisation de la monnaie unique.
Les dirigeants européens présentent
le bras de fer avec la Grèce comme une « négociation ». Comme s’il
s’agissait de discussions entre parties égales ! Comme s’ils ne mettaient
pas le couteau sous la gorge de Tsipras en refusant de débloquer la dernière
tranche du plan d’aide prévu quand ce dernier est censé rembourser dans huit jours
1,6 milliard d’euros au FMI !
Et comble de cynisme, c’est Tsipras
qui est accusé d’être « jusqu’auboutiste ». Mais qui est
irresponsable dans cette affaire ? Ceux qui veulent affamer un peuple ou
ceux qui s’y refusent ?
Car c’est bien de cela dont il s’agit.
En Grèce depuis 2008, les salaires, les pensions de retraite, les droits
sociaux ont reculé de 20, 30, 40 %. Le chômage a explosé au point qu’un
jeune sur deux est au chômage. Le pays a connu une récession qui l’a renvoyé 50
ans en arrière.
Et tout cela, pourquoi ? Pour
payer les intérêts d’une dette que ni les travailleurs, ni les paysans ou les
retraités n’ont faite. Et comme, loin de se résorber, cette dette n’a fait
qu’augmenter, le versement de ces intérêts toujours plus colossaux ne se fait
plus qu’au prix d’immenses sacrifices.
Alors oui, la population grecque
paye, comme aucun peuple, le parasitisme de la finance internationale.
Et les nouvelles exigences des
créanciers de la Grèce sont criminelles ! Et cela n’a rien à voir avec une
question d’argent. La Grèce risque un défaut de paiement pour 1,6 milliard.
Qu’est-ce à côté des centaines de milliards que les banques centrales injectent
dans la finance ? Qu’est-ce au regard des 10 milliards que le patron de
SFR a mis sur la table pour racheter le réseau de Bouygues ?
Il s’agit pour les porte-parole de
la bourgeoisie de donner une leçon politique. À travers la Grèce, ils
signifient à tous les peuples qu’ils doivent se serrer la ceinture et se
résigner à payer leur dîme à la finance.
Aucune des dettes dont on nous rebat
aujourd’hui les oreilles, que ce soit la dette grecque, que ce soit, en France,
les dettes des collectivités locales ou même celle des hôpitaux, n’ont été
contractées au bénéfice des classes populaires.
Elles ont toutes été le fruit des
manœuvres des banquiers, des grands groupes capitalistes qui ont investi tous
les secteurs de l’économie en forçant à l’endettement. Mais, au nom de ces
dettes, on nous impose partout des cures d’austérité.
En Grèce, cela signifiera peut-être
encore la suppression des retraites complémentaires, l’augmentation de la TVA.
En France, cela signifie
l’augmentation des prix des cantines scolaires, l’abandon de lignes SNCF. Ou
encore la suppression des jours de RTT dans les hôpitaux, puisque c’est bien au
nom de l’endettement des hôpitaux que le gouvernement veut le faire.
La finance s’est immiscée dans tous
les secteurs d’activité et elle ne connaît que la loi des usuriers : faire
rentrer les intérêts. Cette loi s’impose au-dessus de tout, au-dessus des
gouvernements, au-dessus des élections, au-dessus de la démocratie.
Ce qui se passe en Grèce montre que
les élections et « la voix du peuple » ne pèsent rien face du pouvoir
du capital. C’est la preuve qu’il ne suffit pas d’élire des gens bien disposés
à l’égard des travailleurs pour que notre sort change.
Pour justifier ses trahisons, en
1936, le socialiste Léon Blum, avait déploré l’existence du « mur de
l’argent ». C’est ce mur auquel se heurte aujourd’hui la Grèce. Pour le
renverser, il faut sortir du cadre capitaliste qui est devenu le règne de la
finance. C’est la tâche que devront se fixer tous les exploités non seulement
en Grèce mais partout.
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