Editorial des bulletins d'entreprise Lutte Ouvrière du Lundi 12 Octobre 2015
« Scandaleux »,
« la chienlit » (Sarkozy), « des voyous » (Valls) : la hargne
anti-ouvrière s’est déchaînée toute la semaine contre les salariés d’Air
France à grand renfort d’images sorties de leur contexte et déformées
par les médias parlant de « lynchage », là où deux cadres n’y ont laissé
que leur chemise.
Ce lundi, on annonce l’arrestation à l’aube de cinq salariés comme
s’il s’agissait de dangereux criminels. Après les politiques et les
médias, la police et la justice vont donc s’acharner contre eux. C’est
la lutte de classe dans toute sa brutalité.
Tant que les travailleurs subissent l’exploitation et les
licenciements sans renâcler ; tant que le patronat porte les coups
contre les travailleurs, les Sarkozy et les Hollande, la police et la
justice ne trouvent rien à redire.
Mais que les salariés essayent de rendre ces coups, qu’ils laissent
éclater leur colère contre les dirigeants et leurs larbins, et tout ce
beau monde se ligue avec le patronat contre les travailleurs !
À longueur de journée, ces messieurs nous expliquent que la lutte de
classe n’existe plus et que les intérêts des travailleurs et du patronat
concordent parfaitement, mais, eux, ils la mènent en prenant fait et
cause pour le patronat contre les salariés, en défendant les licencieurs
contre les licenciés, les exploiteurs contre les exploités.
Sans perdre une minute, Hollande a condamné les salariés d’Air
France. Tout juste rentré du Japon, Valls a organisé un conseil de
guerre avec les dirigeants de l’entreprise, s’engageant à punir
lourdement les « voyous » et cautionnant par avance les 2900
licenciements programmés.
Après avoir déversé sa bile contre le monde ouvrier, la droite a
ordonné aux dirigeants syndicaux de se désolidariser des salariés et de
les condamner sans appel. Et si elle a critiqué la direction d’Air
France, c’est pour ne pas avoir licencié plus et plus tôt !
Quant au Front national, il s’est bien entendu joint à ce chœur
anti-ouvrier avec Marion Maréchal Le Pen qui a dénoncé un « lynchage »
et demandé l’intervention de la police.
Le FN prétend « défendre » les travailleurs, mais quand ceux-ci
essayent de se défendre eux-mêmes, il hurle avec les loups. En
condamnant les salariés d’Air France, le FN montre de façon éclatante
son vrai visage, celui d’un parti profondément dévoué à l’ordre
bourgeois et hostile aux luttes ouvrières. Il fait de la démagogie
vis-à-vis des ouvriers et des plus pauvres, mais il les aime quand ils
obéissent au patronat sans broncher. Dans l’opposition, le FN prend déjà
fait et cause pour le patronat, cela en dit long sur la politique
pro-patronale qu’il mènerait au pouvoir.
Tous ceux qui se placent dans le camp des travailleurs ne peuvent
qu’être solidaires de la réaction des salariés d’Air France face à
l’annonce des 2900 licenciements. Que croyaient les dirigeants d’Air
France ? Qu’après avoir accepté depuis des années le gel de leur
salaire, les milliers de suppressions d’emplois, l’aggravation de leurs
conditions de travail, ils allaient sagement se laisser mettre dehors
sans rien dire ? Eh bien non, les dirigeants d’Air France ont eu le
retour de bâton et ils ne l’ont pas volé !
Air France a renoué avec les bénéfices ; le taux de remplissage de
ses avions est excellent ; le marché aérien est en développement. Cela
n’empêche pas la direction de s’en prendre aux salariés, de diviser et
de monter des catégories les unes contre les autres et de faire un
chantage à la faillite. Les mêmes manœuvres, les mêmes mensonges et les
mêmes attaques patronales sévissent dans toutes les grandes entreprises
du pays, et c’est cela qu’il faut combattre.
Et il s’agit bien là de violence. Car la vraie violence, c’est celle
de la précarité et des salaires qui ne permettent pas de vivre, c’est
celle qui condamne aujourd’hui six millions de femmes et d’hommes privés
d’emploi, c’est celle de l’exploitation. Oh, les dirigeants qui
décident de baisser les salaires, de licencier ou d’aggraver la charge
de travail n’ont pas besoin d’élever la voix, ils ont le pouvoir. Mais
leurs décisions sont autant de coups contre les travailleurs.
La domination patronale et sa violence épuisent les travailleurs et
les chômeurs d’ici et tuent des millions de femmes et d’hommes au
travers de la famine et des guerres. Il faut les combattre.
Et cela passe par un rapport de force, une colère collective
organisée. Face à des travailleurs divisés et inorganisés, les patrons
sont tout-puissants ; mais si la classe ouvrière s’organise, si elle se
sert réellement de sa force collective, ce ne sont pas seulement deux
chemises de hauts cadres, mais la dictature de la bourgeoisie qui sera
menacée.